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Deux personnes atteintes de la dégénérescence maculaire partagent leur vécu et les enseignements tirés de leurs échanges avec d’autres personnes qu’elles ont côtoyées durant leurs années d’implication au sein de notre association. 


Le deuil et les pertes reliées à la DMLA
Par Hélène Caron et Carole Perreault

La perte de vision entraîne des bouleversements importants dans la vie des personnes atteintes qui traversent une période de deuil. Nous allons décrire les étapes du deuil. Ce sont des outils qui nous aident à cerner et à identifier nos sentiments. Tout le monde ne passe pas forcément par ces cinq étapes et les réactions ne suivent pas toujours le même ordre.

ÉTAPES DU DEUIL :

1. Choc et déni

Lorsqu’on apprend qu’on est atteint de DMLA, une maladie dégénérative et irréversible, la première réaction en est une d’incompréhension et de refus. « Ce n’est pas possible, ils ont dû se tromper ». Le déni nous procure des moments de répit dans la douleur. Nous sommes paralysés et anesthésiés. Durant cette phase, certaines personnes agissent comme si de rien n’était. D’autres sont abasourdies, incapables de fonctionner.

2. Colère

À cette étape, on ressent une grande injustice de vivre cette épreuve, on peut en vouloir au monde entier, se montrer irritable envers notre entourage et refuser l’aide qui nous est offerte. La colère est une phase indispensable au processus de guérison. C’est un instrument de gestion émotionnelle. Ne laissez personne minimiser son importance. Quand la colère s’apaise, car elle finit toujours par s’apaiser, la réaction à la perte prend une nouvelle forme

3. Marchandage

Nous voulons que la vie redevienne comme avant. Nous ferions n’importe quoi pour ne pas avoir cette maladie. C’est le moment où on utilise la « pensée magique » pour essayer d’éviter de vivre la situation présente. Par exemple, on promet quelque chose à Dieu ou à un Être supérieur en échange de notre guérison.

4. Dépression

Nous revenons brutalement à la réalité. Un sentiment de vide nous assaille et le chagrin prend possession de nous, plus intense et plus ravageur que tout ce que nous avions pu imaginer. C’est une réponse appropriée à une grande perte. On se replie sur soi, happé par une profonde tristesse. Cette phase est la plus douloureuse du processus de deuil : on se retrouve face à la réalité toute nue et on se sent submergé par la peine de cette perte qu’on sait maintenant inévitable.

La dépression peut se manifester de diverses façons

AU PLAN ÉMOTIONNEL, des pleurs intenses et fréquents, une perte d’intérêt pour des activités et des personnes aimées, un sentiment de perte de sens à sa vie, perte d’espoir, etc. L’anxiété sous une forme plus ou moins importante peut nous habiter.

AU PLAN FONCTIONNEL, incapacité à se concentrer, oublis fréquents, jugement altéré, incapacité à mener à terme une tâche.

AU PLAN PHYSIQUE, perte d’appétit, sommeil perturbé, maux divers : céphalées, problèmes digestifs, grande fatigue.

AU PLAN RELATIONNEL, tendance à s’isoler, peur de la réaction des autres face à la maladie, irritabilité envers les proches.

TENDANCE À TOUT VOIR EN NOIR, à se demander si on ne serait pas mieux mort et, dans certains cas, idées suicidaires. IL EST IMPORTANT DE NE PAS PRENDRE DE TELS SYMPTÔMES À LA LÉGÈRE ET DE CHERCHER DE L’AIDE.

Aussi surprenant que ça puisse paraître, la dépression, bien que douloureuse, est la porte d’entrée vers la guérison de l’âme. Quand on reconnaît ce qui nous arrive, cela crée en nous une ouverture à chercher de l’aide et des moyens de s’adapter à notre nouvelle condition. On fait alors face aux pertes et aux moyens d’en atténuer la portée. Si nous acceptons notre dépression, elle prendra fin dès qu’elle aura rempli son rôle.

Pertes reliées à la maladie

  • TRAVAIL : Une des pertes les plus importantes que nous pouvons être amenées à expérimenter, c’est la perte de notre travail. Cette perte affecte plusieurs sphères de notre vie : sentiment de compétence, d’être utile à la société, perte d’un réseau important de socialisation, perte financière qui peuvent nous amener dans la précarité et l’insécurité.
  • AUTONOMIE : Le fait de ne plus pouvoir conduire notre voiture est la perte d’autonomie la plus difficile pour certains. Pour d’autres, la difficulté grandissante à lire ou l’incapacité à se retrouver dans un lieu non familier sont parmi les pertes au niveau de l’autonomie.
  • RELATIONS AVEC LES AUTRES : Qu’on le veuille ou non, la maladie modifie notre relation avec les autres. La plupart des gens se montrent compatissants, mais comme ils n’ont pas vraiment une idée de ce que peut être notre maladie, ils peuvent démontrer une certaine insensibilité à notre égard ou, au contraire, se montrer trop protecteurs. Certaines personnes peuvent aussi s’éloigner de nous parce que nous ne pouvons plus faire certaines activités ou par peur de la maladie.
  • LOISIRS : Certains loisirs ne nous sont désormais plus accessibles ou alors nous devons modifier nos attentes envers nous-mêmes quant à notre performance.
  • IMAGE DE SOI ET SENS DE LA VIE : On peut se sentir diminué parce que limité dans ce qu’on peut faire. Nous pouvons aussi nous demander à quoi nous servons.
  • QUALITÉ DE VIE EN GÉNÉRAL : Notre qualité de vie diminue, du moins temporairement.

5. L’acceptation (Adaptation)

La dernière phase du deuil et très importante. Cette étape consiste à accepter que notre vue soit diminuée et admettre la permanence de cet état de fait, même si cette réalité ne nous plaira jamais. C’est l’étape de l’adaptation à notre nouvelle condition. C’est dans cette réalité que notre guérison s’ancrera, même si celle-ci nous paraît de prime abord inconcevable. Pour y arriver, il faut se permettre de vivre les phases antérieures à notre rythme en allant chercher de l’aide pour surmonter les difficultés.

INFORMATION

Durant la phase initiale de choc, il peut être utile de contacter un organisme (comme l’AQDM) qui peut nous informer sur la maladie, l’évolution prévisible, les soins offerts, les avancées médicales et les moyens de prévention d’une aggravation. Ces informations peuvent diminuer l’intensité des réactions de deuil. Un tel organisme nous apporte en outre un soutien émotif que les médecins n’ont pas la disponibilité de nous offrir.

SOUTIEN PSYCHOLOGIQUE 

Il peut être utile, durant les diverses phases du deuil, selon les besoins, de recourir à l’aide d’un professionnel (psychologue, travailleur social ou autre) pour nous aider à mieux comprendre nos réactions et faciliter le cheminement vers une adaptation la plus réussie possible. Ces ressources sont disponibles dans les Centres de réadaptation en déficience physique (volet déficience visuelle) présents dans toutes les régions du Québec. Dans les régions où les ressources sont trop limitées, le CRDP peut vous référer vers le CLSC ou l’organisme communautaire approprié. Dans la plupart des cas, vos proches peuvent être impliqués dans cette démarche si vous le souhaitez.

AIDES VISUELLES

Il est important de savoir qu’à partir d’un certain niveau de perte visuelle, des aides visuelles et techniques sont accessibles à travers un programme de la RAMQ. C’est le Centre de réadaptation de votre région qui en gère la distribution selon des critères préétablis. Par ailleurs, certaines de ces aides (loupes, minuteries, etc.) sont disponibles en magasin, par exemple à la boutique de l’Institut Nazareth et Louis-Braille (INLB) qui offre aussi l’achat par téléphone ou en ligne.

RÉSEAUTAGE 

Le fait de participer à des activités avec d’autres personnes atteintes de déficience visuelle peut nous aider à surmonter nos craintes concernant la maladie, nous donner l’occasion d’échanger sur des moyens d’adapter notre environnement et nos façons de faire pour retrouver une plus grande autonomie. Par la suite, s’impliquer dans de tels organismes peut nous amener à retrouver le sentiment d’être utile et actif socialement.

GARDER NOTRE VIE… EN VIE !

La maladie oculaire change des choses dans notre vie, mais il ne faut pas la laisser tout balayer. C’est important, dans la mesure du possible, de garder nos centres d’intérêt, qu’il s’agisse d’activités de loisir, de relations ou même d’activités professionnelles. Parfois, avec un minimum d’adaptations, c’est surprenant de voir ce qu’on peut encore faire. Notre priorité, tout au long de ce processus, doit être de tout mettre en œuvre pour retrouver puis conserver précieusement notre plaisir de vivre.

GUÉRIR, C’EST ÊTRE CAPABLE DE SE SOUVENIR ET DE SE RÉORGANISER, DE RÉINVENTER SA VIE. BONNE VIE À TOUS !

Pour préparer notre présentation, nous nous sommes inspirées de deux livres :

« Quand l’épreuve devient vie » de Joanne de Montigny Éditions J. C. Lattès

« Sur le chagrin et le deuil » d’Elizabeth Kübler Ross et David Kessler, Éditions Pocket. C’est dans ce livre que sont définies les cinq étapes du deuil.